26/02/2009
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Ci-contre, la gare de Laboutarié : aujourd'hui, son propriétaire l'a rénové en conservant l'esprit du bâti de cette époque révolue. Ci-dessus, une des machines du dépôt de Castres qui parcourait la ligne Albi-Castres, la photographie a été prise tout près de la gare de la Madeleine, où l'on peut apercevoir la passerelle |
Aux premières heures du chemin de fer, seule existait dans le Tarn la ligne minière de Carmaux à Albi, qui assurait le transport du charbon pour le charger dans les bateaux sur le Tarn. « Elle permettait ainsi d'éviter d'emprunter la ligne concurrente PO ›› (1), indique Michel Viers. Le président-fondateur du Rail Miniature Castrais (club de modélisme) est intarissable sur toute question ferroviaire, a d'ailleurs consacré un ouvrage à la ligne reliant Castres à Albi, celle qui nous intéresse.
Créée en 1850, la Compagnie du Midi a ouvert la ligne ferroviaire de Castres à Albi en décembre 1869. Cette voie était destinée à assurer la jonction entre les liaisons déjà existantes : Carmaux-Albi et Castelnaudary-Castres. Elle favorisait donc le transport de marchandises (peaux et cuirs de Mazamet, tissages de Castres, exploitations de bois. . .).
Deux tracés étaient alors possibles : le premier, passant par Laboutarié, est celui qui présentait les difficultés techniques les plus faibles (terrassements, ouvrages d'art); le second desservirait Réalmont, centre agricole et commercial, mais sa réalisation s'avérait plus complexe; « Les chemins de fer n'aiment pas les côtes ou les rampes, souligne Michel Viers. Pour la réalisation de voies ferrées, on est toujours conduit à chercher des tracés doux. ››
Le premier tracé a donc été choisi, jalonné parles gares de Castres, Mandoul, Lautrec, Françoumas, Laboutarié, Lombers, Mousquette, Labastide-Dénat, Ranteil et Albi. À double voie jusqu'à Lautrec, la ligne parcourt une contrée vallonnée qui justifie son tracé sinueux et un profil en long un peu tourmenté. L'unique ouvrage d'art réalisé est un pont de 50 m au-dessus du Dadou, juste avant Laboutarié.
En 1950, le déraillement d'un train créa une vive émotion à Mousquette. Interrompu en 1940, le trafic voyageurs reprendra temporairement de 1941 à 1945. Le trafic marchandises persistera plus longtemps avant la fermeture de divers tronçons de voie. Castres-Laboutarié fermera en 1987. La voie Castres-Albi sera déferrée quelques années plus tard. « Je pleure à chaque fois qu'on ferme une ligne ››, avoue Michel Viers, qui ne se console pas du fait que cette voie soit devenue un agréable chemin de randonnée, le chemin des «Droits de l'Homme. ››
Sylvie Ferré
(1) La compagnie du chemin de fer Paris- Orléans desservait l'ensemble du sud-ouest de la France; elle était l'une des 6 compagnies privées dont les réseaux ont été fusionnés en 1938 pour constituer la SNCF.
L'histoire de la station de Laboutarié. Que ce soit du côté de Graulhet, qui voyait l'implantation de mégisseries, comme du côté de Réalmont, grand centre agricole, chaque commune voulait le train. Il n'arriva ni dans l'une-ni dans l'autre. Le tracé choisi traversant Laboutarié, c'est là que fut construite la gare. Une situation insupportable pour les deux villes, Graulhet exigeant une vraie ligne de chemin de fer auprès de ses représentants élus à grand renfort de pétitions. |
Rodez-Castelnaudary en 6h. Avant de ne servir qu'au seul trafic de marchandises, des voyageurs ont utilisé la ligne Rodez-Castelnaudary jusqu'à la fin des années 1940. Ils devaient compter près de 6 heures pour effectuer la liaison. Ils partaient de Rodez à 5h25 et arrivaient à Carmaux à 7h25 (8mn d'arrêt), puis à Albi-Orléans (ville) à 8h05 (10 mn d'arrêt), à Castres à 9h42 (10mn d'arrêt), à Revel-Sorèze à 10h42 et arrivaient à Castelnaudary à 11h15. Derniers trains en 1966 sur le tronçon Albi-Laboutarié déclassé en 1973 et en 1987 sur la partie Laboutarié-Castres, déclassé en 2003. |
Rose Mas devant: sa «maisonnette» a la halte de Françoumas entre Lautrec et Réalmont.
Photo DDM; Jean-Marie Lamboley l
A Françoumas la chef de halte c'était Rose
« Des trains ! Oh que oui, j'en, ai vu passer pas mal en 21 ans. Aujourd'hui c'est plus calme. De temps en temps les marcheurs s'arrêtent pour discuter, certains viennent même prendre un café ››. Rose Mas est une figure du Lautrécois - Réalmontais. Elle réside à la " maisonnette " située entre les deux villages. « En venant de Réalmont, c'est la seule maison au bord de la route et de l'ancienne voie ferrée, à droite en allant vers Lautrec ».
Pendant 21 ans, de 1969 à 1990 elle était garde-barrière à la halte de Françoumas, lorsque les trains circulaient encore sur la ligne Rodez-Castelnaudary, desservant les gares de Carmaux, Albi, Laboutarié, Lombers, Vielmur, Castres, Revel...
Entre ces stations de nombreuses haltes où le train « s'arrêtait parfois ››, se souvient Rose. «Je n'habitais pas à la "maisonnette", mais à deux kilomètres d'ici, poursuit-elle, je venais exprès deux fois par jour, à 13h 30 et 16 heures, à vélo, j'avais deux kilomètres à faire et avec le vent ce n'était pas toujours évident. A deux reprises je me suis retrouvée dans le fossé. C'est que ça ne rigolait pas, il fallait fermer les deux grosses barrières qui coulissaient sur des petits rails. Heureusement les trains étaient à peu près à l'heure et puis je connaissais les chauffeur. Quelques kilomètres avant d'arriver ils actionnaient le sifflet ››.
«JE SUIS ALLÉE CHERCHER UN BÂTON»
Aujourd'hui, Rose Mas vit toujours dans la " maisonnette " qu'elle a achetée avec son mari en 1977. La grande salle à manger servait alors à stocker les marchandises que les trains déchargeaient. La cuisinière à bois est toujours là, la pendule aussi avec le calendrier de La Poste accroché au mur. Des souvenirs, Rose en a bien sûr de nombreux. Elle en distille quelques-uns. « Un jour lorsque j'ai ouvert la salle j'y ai trouvé un type.“ Qu'est-ce que vous faites-la ?". Il était tout penaud. Je suis ressortie pour aller chercher un bâton. “ Ne me battez pas, je ne vous veux pas de mal, je suis un vagabond, je suis entré ici car j'avais froid” ››. Autre souvenir : « La femme qui était garde-barrière avant moi était une catin, les camions, les voitures s'arrêtaient. Une fois un monsieur est venu me voir, je l'ai remballé en lui disant « Le monsieur qui a mis ça là (elle montre son alliance), il est capable de faire ce que vous voulez faire ››.
En 1990, Rose Mas a pris sa retraite. « Je n'ai pas eu le temps de connaitre les barrières électriques, elles n'ont été installées que huit jours avant mon départ, en fait je ne les ai utilisées qu'à deux reprises ››.
UNE BUVETTE
Dans la cuisine de la " maisonnette ", la température baisse. Rose enfourne quelques bûches dans le foyer. Ce soir elle fera cuire les pommes qui sont déjà préparées et patientent dans le plat.
Depuis qu'il n'y a plus de trains, Rose peut entièrement se consacrer à son jardin, à ses fleurs «je les adore ›› et à raconter ses souvenirs de garde-barrière aux marcheurs qui empruntent ancienne voie ferrée transformée en sentier de randonnée. « Le week-end, il y a un monde fou, si j'avais 2o ans de moins j'ouvrirai une buvette. Bon, il faut que j'aille faire un tour au jardin, mais je vais d'abord aller mettre un tricot, il ne fait pas chaud avec ce vent».
Robert Rossignol
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